L’aigle et le cloporte

L’aigle et le cloporte

Un aigle planait au-dessus d’une vallée. De sa vue perçante, il aperçoit un cloporte sorti de sous son caillou plat, en train de prendre l’air, pour les premiers jours du printemps.

Eh, cloporte, tu ne dois pas être heureux dans ta maison humide. Le télétravail avec tes 400 enfants, cela doit être difficile. Et tu ne sors jamais de ton trou.
Alors que moi, je plane sur les montagnes, j’ai une vision stratégique.
Vraiment tu es bien à plaindre.

Le cloporte répondit : 
Tu as sans doute raison, aigle. Mais pourtant je suis heureux. Je travaille à mon rythme, je profite de mes enfants. Mon travail est utile à la nature, je décompose toutes les petits bouts de végétation pour qu’ils se décomposent et redeviennent de l’humus.

Et puis, sous mon caillou, il y a pleins de copains que tu ne vois pas, car nous ne vivons pas à la même échelle, toi et moi. Ne juge pas de si loin une vie que tu ne connais pas.

L’aigle tourna encore une fois autour de la clairière. 
Oui mais les hommes te méprisent, alors qu’ils m’admirent. Ils sont pleins de sagesse.

Le cloporte répliqua : les hommes bétonnent tout, mettent du bitume partout. Et réchauffent la planète. Dans 20 ans, quand l’atmosphère en été sera irrespirable, je m’enfoncerai un peu plus dans la terre humide, à l’ombre de mon caillou, et j’attendrai la rosée de la nuit qui coule sur mon rocher.
Alors que les hommes pleureront pour les quelques maisons troglodytes, trop peu nombreuses pour les accueillir. Ah la sagesse des hommes…