Retour du télétravailleur dans l’entreprise

Un salarié fait du télétravail depuis son domicile depuis 1994. L’employeur doit obtenir l’accord de son salarié pour le faire revenir travailler dans les locaux de l’entreprise

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 février 2013, 11-22.360

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2011), que M. X… a été engagé le 10 avril 1991 en qualité de conseiller prescription par la société Les Emaux de Briare, devenue la société Les jolies céramiques sans kaolin ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et au paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen pris en ses deux premières branches :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts et de le condamner au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen :

1/ que l’employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, modifier les conditions de travail du salarié, et notamment son lieu de travail lorsque celui-ci n’est pas fixé par une clause expresse du contrat de travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que la décision de l’employeur de voir le salarié travailler au siège social de la société, qui résultait de difficultés d’organisation invoquées par le salarié lui-même, remettait en cause un « accord » de 1994 ; qu’en statuant ainsi, bien que les deux parties aient reconnu que le contrat de travail du salarié ne prévoyait pas que M. X… travaillerait à son domicile, de sorte que l’employeur pouvait modifier unilatéralement le lieu de travail du salarié, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble les articles L. 1221-1 et L.1231-1 du code du travail ;

2/ que l’employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, modifier les conditions de travail, et notamment le lieu de travail, du salarié ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que cette modification était une modification abusive de son contrat de travail, au vu de la distance séparant la nouvelle affectation du domicile du salarié, de son âge et de la situation des autres commerciaux ; qu’en se contentant ainsi de motifs inopérants, sans rechercher si les motifs justifiant cette mesure, à savoir les difficultés matérielles dénoncées par le salarié, le fait que le salarié ait demandé paiement d’un loyer pour son bureau à domicile, ses difficultés de communication avec l’employeur et ses collègues, la rétention de documents pratiqués par le salarié, la nécessité de contrôler que le salarié consacre le temps requis à son activité pour l’employeur, n’étaient pas fondés, et sans caractériser une modification du secteur géographique contractuellement prévu par la nouvelle affectation distante de 53 kms du domicile du salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, ensemble les articles L. 1221-1 et L.1231-1 du code du travail ;

Mais attendu que lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié ;

Et attendu qu’ayant constaté que les parties étaient convenues que le salarié travaillerait à son domicile, ce qu’il avait fait pendant douze années, la cour d’appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que le fait pour l’employeur de lui imposer de travailler désormais au siège de la société constituait une modification du contrat de travail que le salarié était en droit de refuser ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le premier moyen pris en ses deux dernières branches et sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les Jolies céramiques sans kaolin aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Les jolies céramiques sans kaolin et la condamne à payer à M. X… la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille treize.

 L’arrêt sur LEGIFRANCE